Le téléphone n’a pas arrêté de sonner depuis ce matin. C’est un véritable enfer. Liberty n’a pas eu le temps de prendre la moindre pose, elle n’a même pas eu le temps de prendre une pause déjeuner, et elle en était déjà rendu au milieu de l’après-midi. Le téléphone. Elle devait répondre, elle n’en avait pas envie du tout. Mais elle n’avait pas le choix.
« Allô ? » « Liberty, c’est moi. » Son père. L’un des hommes en qui l’Amérique avait une confiance aveugle, puisqu’il défendait les grands êtres de ce pays devant la loi. Pas toujours à juste titre.
« Papa, pourquoi tu m’appelles au travail, quelque chose ne va pas ? » Il ne l’appelait jamais au travail. Donc évidemment Liberty se posait des questions, s’inquiéter même un peu.
« Oh non, tout va bien ne t’inquiète pas ! » Elle levait les yeux au ciel. Elle avait toujours été très proche de son père. Il avait été un papa gâteau, il l’était toujours. Il était celui à qui elle devait sa réussite. Il l’avait poussé à se concentrer sur ses études, et même si elle avait trouvé cela difficile, le jeu en avait valu la chandelle. Elle avait désormais sa boîte, et les personnes les plus riches de la ville la contactaient régulièrement pour organiser de belles soirées mondaines.
« Alors pourquoi est-ce que tu m’appelles, je n’ai pas vraiment le temps là ! » Elle courrait partout. Ces derniers temps, elle avait été plutôt froide avec son père, après une énième dispute par rapport à ses opinions politiques. Le père de Liberty était un ami du nouveau président des Etats-Unis. Pour le plus grand désespoir de la jeune femme, il était aussi d’accord avec la plupart de ses choix politiques.
« Je voulais juste t’inviter à déjeuner demain midi. Qu’on discute. » Elle savait très bien que ça risquait de dégénérer, ce déjeuner, mais elle se disait aussi que c’était sans doute une nouvelle technique de son père pour s’excuser après leur dernière discussion.
« Euh… Je suis pas certaine d’être libre. Je peux te rappeler ce soir? » Elle sait qu’elle est libre, elle n’est juste pas certaine d’en avoir envie. Du coup, elle aura un peu plus de temps pour y réfléchir.
« D’accord. Bonne journée dans ce cas, à ce soir. » Elle le laisse raccrocher sans rien ajouter. Elle adorait son père, mais savoir qu’il appréciait et qu’il soutenait un homme comme Donald Trump, ça te dépassait. Elle acceptait les opinions politiques des autres, mais que son père soit aussi proche d’un homme comme lui, c’était difficile à accepter.
Elle s’asseyait deux secondes pour regarder dans son agenda, en se disant que peut être sur un malentendu elle avait quelque chose de prévu le lendemain midi, mais non. Pour l’instant, elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait faire. Mais elle n’eut pas le temps de trop y réfléchir, avant d’entendre son téléphone sonner. C’était Eliott.
« Allô ? » Son fiancé, son cher et tendre. Elle espérait qu’il allait alléger sa journée, lui apporter quelque chose de positif, mais elle en doutait un peu.
« Lili c’est moi. Je suis désolée j’ai complètement oublié de te prévenir. Demain, y a un mec qui vient pour voir pour le carrelage dans la cuisine. Je pars en vol ce soir, alors il va falloir que tu t’en charges. » Evidemment, ce n’était pas de quoi alléger son emploi du temps.
« Demain ? A quelle heure ? » Elle demande, mais elle avait déjà une journée bien chargée. Comme à peu près tous les jours.
« Oh je lui ai dit de venir après ta journée, du genre vers cinq heures demain soir. » Ca ne faisait qu’un tour dans sa tête. Ca n’allait vraiment pas être possible.
« Non mais non, c’est mort. Je vais voir une salle pour le mariage à cette heure-là, c’est une salle extrêmement demandée, j’ai déjà du bol d’avoir un rendez-vous alors ce n’est pas possible. » Cette salle, elle te faisait rêver. Tu avais eu une chance folle d’obtenir un rendez-vous pour une visite. C’était la plus belle salle de San Francisco, il était hors de question que tu annules.
« Lili, ça fait des semaines que tu me bassines avec la cuisine, et là tu veux annuler ? » Elle était clairement en train de se retenir de péter un câble contre lui. Ton emploi du temps était complètement bloqué, et une fois de plus il n’avait pas l’air de comprendre.
« Mais Eliott tu te rends pas compte de la salle que c’est… » « Mais on s’en fiche de la salle. Le mariage on n’a même pas de date arrêtée. Ca peut attendre. » Cette phrase tentait d’achever Liberty. Ca lui faisait mal, qu’il ait aussi peu de considération pour leur mariage.
« Oui, non, c’est sûr, t’es tellement impliqué dans ce mariage de toute façon, ça peut attendre. » Lâchait-elle comme ça, sans aucun tact. En plus de cette journée folle, il réussissait à l’énerver encore plus.
« Lili… » Il n’avait rien de plus à dire.
« Non, c’est bon. T’as qu’à m’envoyer le numéro du mec. Je vais me débrouiller. Bon voyage, envoie moi un message quand tu es arrivé. » Elle n’ajoutait rien, elle raccrochait simplement. Ca l’énervait. Oui, Elliot était un homme occupé, comme elle. Mais il ne s’inquiétait pas du mariage, c’était à elle de toute faire, et là, lui rajouter la charge des travaux à la maison, c’était un peu trop.
Elle essayait de se poser, de souffler un peu pour éviter de péter un câble. Quelques instants plus tard, elle recevait un sms de son fiancé, avec le numéro de l’homme qui travaillerait pour eux, suivi d’un
« je t’aime ». Elle ne répondait rien, se contentait de recopier le numéro de téléphone. Elle se tâtait un instant à annuler son rendez-vous pour la salle du mariage, mais c’était hors de question. Si elle allait devoir se débrouiller pour l’organisation, elle voulait au moins avoir la salle qu’elle voulait. Elle allait se contenter de déplacer le rendez-vous. Elle composa le numéro sur son téléphone, et tomba presque immédiatement sur la messagerie. Tant pis.
« Bonjour, je suis Liberty Danner, la fiancée d’Elliot Robertson. Je vous appelle par rapport au rendez-vous que mon fiancé vous a donné demain. Il est annulé. Rappelez-moi pour convenir d’une nouvelle date. Bonne journée. » Sèche. Elle était extrêmement sèche, parce qu’extrêmement énervée. Trop de choses, elle essayait de gérer bien trop de choses à la fois, contre son grès. Et ce n’était que le début…