I always put my music on shuffle but then get annoyed when it doesn't play the songs I want.
Le gamin a les yeux qui pétillent devant sa télé. A peine plus haut que trois pommes, la parole encore bancale, pourtant on n'arrive déjà plus à le décoller de devant l'écran.
« Asher, c'est prêt. Viens manger s'il te plaît. » La voix de sa mère vient de la cuisine, ouverte sur le salon, qui l'observe depuis un moment. Elle a fini de servir les assiettes de tout le monde, ne manque plus que le petit Asher à table.
« J'ega'de papa ! » Il décolle par le nez de la télé et quand il entend sa maman se rapprocher, il le fronce et se met à bouder. Les bras croisés, il montre bien, que non, il ne viendra pas manger. Il préfère largement regarder son père à la télé. Fasciné par les vagues, par sa façon de les chevaucher sur sa planche. Le gamin adore déjà l'eau, ses parents le savent très bien, mais le surf semble le faire déjà vibrer. Et c'est là l'une des plus grandes fiertés de son paternel, champion de surf bien connu.
« Mon chéri, si à la prochaine compétition de papa, on va le voir. Est-ce que tu es d'accord de venir manger ? » Il n'en faut pas plus, pour éveiller le gamin, qui, les yeux pétillants, regarde sa mère. Il secoue la tête positivement et ne se fait pas prier plus longtemps. Il court jusqu'à la chaise qui l'attendait, abandonnant totalement la télévision, que sa mère éteint aussitôt pour éviter toute tentation.
« Putain papa, ton dernier aerial... c'était magique ! » Le petit blondinet a bien grandi, dix ans ce sont écoulés. Et dès qu'il le peut, l'ado se rend à chacune des compétitions auxquelles sont père participe. Il a aussi sa planche et s'entraîne dès qu'il a la moindre seconde de temps libre.
« Ash, j't'ai déjà dit de pas jurer. Petite pause avec cet air sérieux sur la face, qui lentement se transforme en sourire qui transpire la fierté.
Mais merci fils. » Il lui lance une tape sur l'épaule, alors qu'il sort de l'eau, planche sous le bras. Le père est fier de son fils, de son talent, de ses traces qu'il suit. Il sait qu'Asher deviendra un bon, meilleur que son aîné qui s'efforce de faire de même, mais pour qui ça ne semble pas aussi inné. Ash, plein d'admiration pour son père, le suit jusqu'à son stand. Il a fini son run d'échauffement et bientôt se sera son tour d'aller défendre son titre. A cet instant, le brun sait qu'il ne doit plus déranger Kingsley, King Wilson comme on le surnomme dans le métier. Il se concentre, observe les vagues, se remémore les mouvements qu'il va exécuter. Ash, assis à ses cotés, ne dit pas un mot, observe lui aussi les vagues et tandis que le moment fatidique où son père va se lancer arrive, il remarque le vent qui semble tourner. Quand il se lève, le gamin semble inquiet, échange de regards qui suffit à ce que le King comprenne.
« T'inquiètes pas, le vent sera pas un problème aujourd'hui. »Il en peut plus, Asher, il en peut plus des photographes, des journalistes. A chaque crépitement de flash, il revoit la scène : le planche de surf qui refait surface après la vague, seule. Il revoit les sauveteurs qui se jettent à l'eau, son frère et lui qui se précipitent au bord de l'eau. Les minutes qui s'allongent pour devenir des éternités, que les frangins sont incapables de supporter. Et puis c'est le temps qui s'arrête, soudainement, une sensation bizarre au creux de son estomac, tandis qu'il voit qu'on ramène son père sur la plage. Ça s'agite, ça se bouscule et ça crie. On tente de le réanimer, on tente d'éloigner les gens, lui, son frère aussi. Il est totalement impuissant, ne peut que contempler la scène. Et quand il voit le type arrêter le massage cardiaque, alors que son père reste totalement immobile, ses genoux lâchent. A genoux sur le sable, il comprend, il comprend que son père est mort. Le regard désolé du médecin et sa manière de secouer négativement la tête, ne sont qu'un coup de poignard en plus en plein cœur. Alors pas étonnant qu'il déteste voir ces vautours traîner autour de sa maison. Ils veulent des photos de la famille Wilson endeuillée, ils veulent des larmes, du sensationnel, alors que tous se préparent à aller à l'enterrement du père de famille. Ash bouillonne, mais Jayden le calme tant bien que mal.
« Pour maman. » Alors le brun obtempère, décide de baisser les yeux quand tous sortent de la maison pour monter dans la voiture. Il dira pas un mot, pas même lors de la cérémonie, parce qu'Ash il lui en veut. C'était sa dernière compétition et tous les deux savaient que le vent n'était pas bon... pourtant il a voulu y aller quand même et voilà le résultat !
« On retrouve à présent le numéro 8, Asher Wilson, digne fils du célèbre King Wilson ! » Ça pourrait l'irriter, de toujours être présenté comme le fils de Kingsley Wilson, comme s'il ne se suffisait pas à lui-même. Pourtant, Asher, ne s'en formalise jamais. Il sait ce que ça représente dans le monde du surf et a depuis longtemps accepté le poids de cet héritage. Il faut dire qu'il est bon, il a de quoi porter fièrement son patronyme. Asher a l'impression de n'être entier que sur sa planche, à glisser sur les vagues, à jouer avec elles. Pour son sport, il a sacrifié tant de choses, mais qui lui semblent bien dérisoires face à l'adrénaline que ça lui procure quand il ne fait plus qu'un avec l'océan. Il finit son run, plutôt satisfait de ce qu'il a exécuté, même s'il n'est pas encore au niveau de son père, il s'en rapproche chaque jour un peu plus.
« Pas mal, Wilson. Mais regarde ce qu'une pro peut faire de ces vagues ! » Il croise la jolie brune, sa Némésis en quelque sorte. Elle est douée, une véritable déesse en combinaison spandex, qui domine les vagues comme personne. Ils ont le même âge et s'ils étaient concurrents dans la même catégorie, sûrement qu'elle le battrait à tous les coups... Entre eux la compétition est rude, depuis des années. Et comme à chaque fois, elle pulvérisera son score, enfonçant un peu plus le clou de son sourire ravageur.